Fétis (1784-1871)

De 1870 à 1914, la Presse française est en plein essor. Elle ne tarde pas à devenir la première du monde, en nombre et en qualité. Les colonnes s’ouvrent à tous les talents, à toutes les expressions. Des rubriques consacrées aux chroniques littéraires, dramatiques et musicales prennent une place considérable dans le journal, cf. GOUBAULT, Christian : La Critique musicale dans la presse française de 1870 à 1914, Slatkine, Genève-Paris, 1984.

La presse musicale française vit une existence sporadique, à la différence de la presse allemande, jusqu’à La Revue musicale que Fétis fonde en 1827 et qui durera jusqu’en 1835 (Le Ménestrel sera publié de 1833 à 1940, la Gazette musicale de 1834 à 1880, La France musicale de 1837 à 1870).

Ces raccourcis historiographiques n’aboutissent qu’à une historiographie partisanne de la critique : « le livre de Brunetière sur l’Évolution de la Critique nous fait voir, comme le sermon de Bossuet sur l’Unité de l’Église, une suite de critiques qui s’avancent en ordre, exécutent leur évolution, jusqu’à l’homme providentiel, l’adjudant Ferdinand, qui surveille, active, explique, achève cette évolution. » (THIBAUDET, Albert : Physiologie de la critique, Nizet, Paris, 1962, p. 20). C’est justement en ce que la critique n’a pas été correctement définie que toute historiographie de la critique est illusoire, ce qui pose un problème d’autant plus grand que la quantité de textes critique est pléthorique.

Fétis historien de la musique développe une critique historique, replace l’œuvre dans son contexte, l’œuvre comme produit géographique, temporel, social « Pour juger de la valeur d’une œuvre d’art, il faut l’étudier dans l’ordre d’idées où elle a été conçue, et voir si, à ce point de vue, elle a le caractère de la création. […] Quel est l’objet que s’est proposé l’auteur de tel ouvrage ? Dans quelles conditions se trouvait-il à l’époque où il l’a écrit ? Comment a-t-il accompli sa tâche ? Voilà les question qui doivent être résolues pour juger un ouvrage en lui-même. »1

« en quoi ces difficultés de contrepoint, si habilement vaincues qu’on les suppose, contribuent-elles à l’expression du sentiment religieux ? En quoi cette preuve de la patience du tisseur d’accords annonce-t-elle en lui une simple préoccupation du véritable objet de son travail ? En rien, à coup sûr. L’accent expressif d’une composition musicale n’est ni plus puissant, ni plus vrai, parce qu’elle est écrite en canon perpétuel, par exemple ; et il n’importe à la beauté et à la vérité de l’expression que le compositeur ait vaincu une difficulté étrangère à leur recherche ; pas plus que si, en écrivant, il eût été gêné d’une façon quelconque par une douleur physique ou un obstacle matériel.

Si Palestrina, ayant perdu les deux mains, s’était vu forcé d’écrire avec le pied et y était parvenu, ses ouvrages n’en eussent pas acquis plus de valeur pour cela et n’en seraient ni plus ni moins religieux. » (BERLIOZ, Hector : Mémoires, Flammarion, Paris, 1991, p. 215.)

Berlioz, compositeur qui se veut homme de lettre, trouve dans l’art de l’écrit la source et la justification de sa composition, il est naturel que le critique-musicographe (donc musicologue) Fétis, cherche dans le contexte de la composition des explications plus satisfaisantes. « Palestrina, de nos jours, ne composerait pas la musique religieuse qui fait la gloire de son nom… La race, le siècle, le climat, la tradition, tous ces accidents extérieurs influent sur l’éducationde l’artiste, et impriment à son inspiration un caractère particulier. » (FÉTIS, François-Joseph : “Courrier musical”, AM, 2 janvier 1862, p. 34.)

1FÉTIS, François-Joseph : “Critique des opinons d’un critique”, Revue et Gazette musicale de Paris, 22 octobre 1854, p. 342.

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