Hoffmann (1776-1822)

http://youtube.com/v/e1k5l4oiCEc

Les Contes d’Hoffmann – Les oiseaux (Nathalie Dessay)

Hoffmann

Inspiré de
Jacques Callot (1592-1635) : Les Grandes Misères de la guerre, La Foire de l’Impruneta, Les Gueux, Vues de Paris, Les Bohémiens, Les Supplices

et de William Hoghart (1697-1764) qui produisit des séries de gravures A Harlot’s Progress (La carrière d’une prostituée, 1731) puis en 1733-5 A Rake’s Progress (La carrière d’un libertin).

Les mœurs électorale (1754-5)

Laurence Sterne (1713-1768)  The Life and Opinions of Tristram Shandy, Gentleman, et A Sentimental Journey Through France and Italy ; sermons, mémoires et politique locale.

Theodor Gottlieb von Hippel (1741-1796) écrivain, satyriste et humoriste.

Über die Ehe (1774) et Über die bürgerliche Verbesserung der Weiber (1792) sur la supériorité de la femme en nombre domaines.

Theodor Gottlieb Hippel le Jeune (1775-1843) homme d’état prussien, auteur de la proclamation de  Frederick William III : An Mein Volk (1813)

participe à Allgemeine musikalische Zeitung, y publie « Kapellmeister Johannes Kreisler »

1809 : Ritter Gluck, lui acquiert la renommée, reprenant le Doppelgänger de Jean Paul, un homme (croit qu’il) rencontre Gluck  (1714–87) mort depuis plus de 20 ans

Employé au Bamberg Theatre au plateau, en décorateur et metteur en scène.

Plus célèbre histoire « Der Sandmann » (1817; « The Sandman ») commence en forme épistolaire et se concentre sur un jeune homme, Nathanael, qui voit en un représentant l’incarnation d’un personnage de conte de fée. La frontière entre fantaisie et réalité est estompée

. Nathanael links the Sandman to an associate of his late father’s, by whom he was once attacked. The eerie similarities between the Sandman, the father’s friend and the salesman inspired Sigmund Freud’s celebrated essay « The Uncanny, » in which Freud uses Hoffman’s story to illustrate his ideas, which eventually led to his theory of the Oedipal castration complex.  Hoffmann himself considered « Der goldene Topf » (1814; « The Golden Pot »), in which the supernatural enters a poet’s everyday life, as his best piece of writing. Additional stories in the Gothic tradition include « Die Automate » (1814; « Automata ») a two-part tale containing a ghost story and a mystery centering on an automaton or robot, and « Die Abenteuer der Silvester-Nacht » (1814; « A New Year’s Eve Adventure ») in which two characters in two different settings represent polarities of the same personality. In both stories, Hoffmann underscores his belief that real-life activities can open doors to the supernatural. In « The Golden Pot » the impetus is creative expression while in « A New Year’s Eve Adventure » it is alcohol. One of Hoffmann’s recurring themes was the descent of the artist into a madness caused by being forced to live in a mundane world. While « The Golden Pot » centers on a poet, « Rat Krespel » (1819; « The Cremona Violin, » also translated as « Councillor Krespel ») portrays a musician’s fall into what E. F. Bleiler describes as « sane insanity, » a result of his hypersensitivity to daily occurrences. « Die Bergwerke zu Falun » (1819; « The Mines of Falun ») was inspired by the real-life discovery of a preserved body in archaic clothing in a Swedish mining tunnel. Hoffman’s miner became a supernatural being with intimate knowledge of nature and creation. Hoffmann also produced one Gothic novel,

Die Elixiere des Teufels (1815–16; The Devil’s Elixir), une histoire de doppelgänger dans laquelle les identités des personnages sont tellement confondues qu’on ne parvient à les distinguer. L’histoire a tenu une place majeure parmi les histoire de diabolisme. Dans un cloître est conservée parmi les reliques une bouteille laissée par le diable dans la cellule de Saint-Antoine ; quiconque la goûte devient possédé. Frère Medardus pour conserver sa renommée et devient hanté par une présence maléfique ainsi qu’un “double,” un Capuchin fou qui couvre ses crimes, chasses, paris…  Il en vient à la folie et atteint un mort édifiante après une fantasmagorie d’esprits et de sabbat. Toute l’histoire baigne dans l’humour, et la force d’imagination.

œuvre de la Versatilité (sa qualité comme son défaut) ; imagination vivacité, folie, férocité, badinerie : mélange.

 

Compositions musicales d’Hoffmann

(fr) Contes fantastiques d’Hoffmann : traduction nouvelle (précédée d’une notice par le traducteur, Xavier Marmier), Paris, Charpentier, 1858, disponible sur Gallica

(fr) Œuvres complètes de E. T. A. Hoffmann (traduites de l’allemand par M. Théodore Toussenel), Paris, J. Lefebvre, 1830, 8 vol., disponible sur Gallica

(fr) Contes fantastiques (illustrés par Bertall et Valentin Foulquier, traduction d’Émile de La Bédollière), Paris, G. Barba, 1856, disponible sur Gallica

S’amusant au piano, Hoffmann découvre la transposition en jouant le morceau sur des touches attenantes, trompant cruellement son père, et explique ainsi que ce dernier renonce à lui faire apprendre tout instrument. Sa maladresse s’étendant aux facultés intellectuelles, il ne goûte pas comme l’infaillible foule, le brio d’un virtuose1. « Tandis que j’écris ces lignes pour moi seul, je m’inquiète et prends peur à la pensée que tous ces aveux pourraient bien un jour, dans un mouvement de cette sincérité instinctive et naïve qui est la mienne, me venir aux lèvres ! Comme on se moquerait de moi ! Et je connais plus d’un de ces bravos de la musique qui n’hésiterait pas à douter de la santé de mon esprit… »2 Unissant sa pratique musicale et critique dans un geste romantique d’auto-biographie reconstituée, Hoffmann dessine l’itinéraire d’un passionné puni pour sa créativité instrumentale et ses opinions musicales novatrices. « C’est justement cet amour de la musique qui me pousse chaque fois à fuir dans la solitude, où la force éternelle qui gouverne toutes choses engendre, dans le bruissement des feuilles de chêne au-dessus de ma tête, dans le clapotis de la source, des sons merveilleux qui se combinent mystérieusement avec les harmonies que je sens reposer en moi, donnant ainsi naissance à la plus somptueuse musique – oui, c’est cela, en vérité, qui fait mon malheur ! »3

Tout le génie de l’antisocial Kreisler4 repose dans la créativité d’une extrême sensibilité. Le personnage inspirera Schumann pour le Kreislreiana op. 16 pour piano ainsi que le premier mouvement de György Kurtág Hommage à R. Sch. op. 15/d pour clarinette, alto, et piano.

La critique d’Hoffmann est une exposition : elle défend des idées, en présentant des personnages dans leur actualité créatrice, Hoffmann crée Kreisler ; il retravaille ses écrits comme le chevalier où il intègre la création contemporain. La critique se différencie, s’oppose à la composition dans la façon de créer un personnage, ce qui différencie profondément les arts : dans la façon de (se) présenter un autre.

Certains écrits « furent jugés assez importants pour être remaniés ou résumés et pour passer dans l’œuvre de fiction qui contient à sa manière d’autres analyses musicales, comme c’est le cas du Chevalier Gluck, l’un des tout premiers récits d’Hoffmann. Les Fantaisies à la manière de Callot et le deuxième volume des Frères de Saint-Sérapion accueillirent la critique de la cinquième symphonie, des deux trios pour piano op. 70 et de la Messe en ut majeur de Beethoven, ainsi que l’article sur l’ancienne et la nouvelle musique d’église. »5

L’intégrant, la critique vit au moins la créativité de l’œuvre contemporaine. L’œuvre restera toujours contemporaine au critique, parce que tout critique se pose dans un rapport d’actualité à l’œuvre, rapport qui doit être celui du lecteur face au texte critique.

La composition relève la critique. Hoffmann publie des critiques de Beethoven dans l’Allgemeine musikalische Zeitung appréciée même du compositeur, notamment la discutée critique de la Cinquième symphonie. Il avait pu également juger de la place accordée à la biographie-feuilleton de Joseph Haydn, Robert Schumann et Franz Liszt, et le journal publiait également les dénommées “anecdotes Rochlitz”, une série de miniatures inventées au sujet de Mozart.

Hoffmann est également compositeur, critiqué par Hugo Wolf : « Le nouveau Seigneur de Village. Singspiel, extrait pour piano avec texte français et allemand. Musique d’Adrien Boieldieu. Bonn, chez N. Simrock. (Prix 9 Francks.) »6

1cf. HOFFMANN, Ernst Theodor Amadeus : Intégrale des contes et récits, sous la direction d’Albert Béguin et Madeleine Laval, Phébus, Paris, 1979, pp. 391-392.

2HOFFMANN, Ernst Theodor Amadeus : Intégrale des contes et récits, sous la direction d’Albert Béguin et Madeleine Laval, Phébus, Paris, 1979, p. 394.

3HOFFMANN, Ernst Theodor Amadeus : Intégrale des contes et récits, sous la direction d’Albert Béguin et Madeleine Laval, Phébus, Paris, 1979, p. 394.

4Création d’Hoffmann dans trois romans (Kreisleriana de 1813, Johannes Kreisler, des Kapellmeisters Musikalische Leiden de 1815, Lebensansichten des Katers Murr nebst Fragmentarischer Biographie des Kapellmeisters Johannes Kreisler in Zufälligen Makulaturblättern de 1822

5HOFFMANN, Ernst Theodor Amadeus : Écrits sur la musique, l’Âge d’Homme, Lausanne, 1985, p. 8.

6HOFFMANN, Ernst Theodor Amadeus : Écrits sur la musique, l’Âge d’Homme, Lausanne, 1985, p. 216.

Ernst Theodor Wilhelm Hoffmann (1776–1822) compose1 dès 1804 des sonates pour piano inspirées de C. P. E. Bach, une symphonie en mi bémol et une messe en ré mineur mozartiennes, dans les cinq années suivantes c’est Beethoven qui l’inspire pour une sonate pour piano en do dièse mineur, un quintette pour harpe et un Trio de piano, avant qu’il n’achève des opéras romantiques aux petits motifs thématiques récurrents, qui nous semblent avoir contribué à leur niveau à l’avènement du leitmotiv wagnérien. Ses œuvres musicales seront éclipsées par son travail de critique-théoricien, ainsi ses œuvres chorales a capella tournées vers la musique italiennes seront oubliées lors que De l’ancienne et de la nouvelle musique d’église publié en 1814 aura un grand retentissement sur la musique religieuse allemande. L’empressement d’attribuer le statut de critique à tout écrivant sur la musique sert à dénier à cet écrivain sa qualité de musicien.

« La véritable plaisanterie est étrangère aux Français. Elle est remplacée par la farce »2

« Français n’aient pas véritablement d’opéra buffa, mais seulement des comédies dans lesquelles le chant est un accompagnement aléatoire et qu’ils appellent injustement opéras comiques. »3

« Cette tendance fondamentale du Singspiel français comique tient trop au caractère du peuple pour pouvoir jamais disparaître. »4

« Il est bien dans la manière française qu’on ne perçoive dans ce quatuor aucune basse véritable dans les voix, et que la note fondamentale, ré, soit presque toujours donnée par la seule octave de la troisième, ce qui manque par trop de force pour les oreilles allemandes. »5

Académie française est en français dans le texte de critiques allemands tels que Hoffmann : « pour parquer l’art dans des barrières que nul ne doit sauter sans payer amende ! »6 Le critique créateur souffre des amendes sociales, ce qui n’est pas le contraire de l’incompatible avec le profit.

On souligne la schizophrénie des activités et des statuts artistiques et critiques. Par le double littéraire, modèle et génie qui incite l’imitation et la rejette, Hoffmann ironise sur la dualité des acteurs esthétiques. La construction d’un alter-égo estéhtique est un moyen d’assumer la schizophrénie des statuts artistiques, de parler de soi-même comme un autre, de soi critique comme (d’)un créateur.

« Les écrits d’Hoffmann ont représenté un modèle stylistique qui transparaît dans plus d’une page. Les références à l’auteur des Fantaisies dans la manière de Callot ne constituent que la part la plus explicite d’une dette par ailleurs évidente dans la forme littéraire de certains textes (“un monologue”, “un rêve”) ou simplement dans le ton général adopté. Sa vie durant, Wolf comptera Hoffmann au nombre de ses auteurs préférés. En l’occurrence, plus encore qu’un modèle stylistique, Hoffmann lui a fourni une véritable figure d’identification en la personne du maître de chapelle Johannes Kreisler. Quintessence du marginal excentrique incompris de son entourage, ce double littéraire d’Hoffmann avait déjà exercé une véritable fascination sur Schumann et Brahms. Wolf y a succombé à son tour dès son adolescence. Il se reconnaissait dans son ironie mordante, partageait son mépris de toute compromission. »7 L’alter-égo du critique-compositeur, Kreisler, Eusébius, Florestan, M. Croche sont des personnification d’un combat contre la schizophrénie artistique du créateur contraint à se faire commentateur, par le besoin financier, son envie, sa capacité journalistique et littéraire, ou tout simplement par les contraintes de la connaissance artistique.

La critique d’Hoffmann trouve des accents lyriques pour accueillir Spontini dans le giron de la musique germanique8.

maître « examine de son regard perçant les étais de notre édifice, et s’il les trouve trop minces ou vermoulus, il les renverse du pied ; quand tout le bâtiment s’effondre, il s’exclame : ça ne valait rien ! »9Le maître juge du piètre et destructeur. Il dessine la possibilité d’une figure tutélaire moins négative.

La critique est une satisfaction esthétique. Le critique est un enthousiaste qui cherche sans cesse de nouveaux moyens

« Il n’y a rien de plus réjouissant que de bien s’exprimer sur un art que l’on chérit du plus profond du cœur. Mais comment y vient-on. Il vaut bien mieux parler qu’écrire, mais l’on doit écrire, parce qu’on trouve maintenant presque plus de gens qui lisent que de gens qui écoutent, et les musiciens surtout entendent plus volontiers des notes que des paroles, et ne souffrent guère, dans les discours comme dans la musique, les digressions hardies que la parole ailée se permet trop facilement. Il faut veiller à ce que la lettre morte porte en elle la puissance de devenir vivante dans l’esprit du lecteur, pour que celui-ci s’ouvre à elle ! »10

LYRIQUE

Fétis jouait déjà allègrement du style lyrique : « Rossini ! toi que la Nature a comblé de ses dons, toi que la Fortune semble conduire par la main, sais-tu bien tout le prix des temps qui t’ont vu naître ?… » (Revue musicale de février 1827, p. 64)11

Dans le n° 17 de la Revue musicale de juin 1827, Fétis annonce la “perte irréparable” de L. Van Beethoven à peine âgé de 55 ans… “En effet, son cachet est toujours celui de l’originalité, de l’enthousiasme, réunis au grandiose et mêlés d’une empreinte de fierté et de mélancolie qui n’est peut-être pas à dédaigner dans les Arts…” Même Machabey, tenant d’une critique positiviste dénonçant les abus littéraire, ne peut que reconnaître l’intérêt de l’emportement de la plume de Fétis. « Il y avait vraisemblablement autre chose à dire pour caractériser Beethoven ; mais nous devons à ces diverses chroniques de voir quel rang il tenait dans les préoccupations françaises vers les dernières années de son existence. »12 Fiorentino qui signait A. de Rovray dans Le Moniteur Universel « souffrait d’un défaut d’envolée artistique et d’un manque de sérieux ; mais il était, ce qui lui valut le succès, extraordinairement enjoué, spirituel et amusant »13 Le lyrique s’adapte particulièrement bien à certaines situation, notamment l’éloge que Wolf manie au second degré pour dénoncer le conservatisme culturel. Le lyrique instille un mouvement au discours, mouvement qui combat l’immobilisme du conservateur dont la prédiction mercantile, comme pour le réactionnaire, rend immobiles le présent, le passé et le futur.

M. Polvin avait chanté en plus de 6.000 vers la gloire des peintre belges.

Zola dénonce les termes éblouissants du dictionnaire qu’utilisent Paul de Saint-Victor et Théophile Gautier14. Une tradition de critique intellectualiste est coutumière de ces effets de rhétorique verbale que constitue l’emploi de termes inusités ou de néologisme. La frontière entre le pédantisme et la recherche d’un vocabulaire rendant mieux compte de l’ineffable tient à la sincérité de l’interprète. Le lyrisme est proposition de lien entre acteurs esthétiques, dans le constat du récepteur ou la revendication du créateur.

Un compositeur romantique possède un langage qui lui permet de rendre compte par l’écrit des mouvements de l’âme qu’un autre compositeur suscite auprès des auditeurs. « Berlioz dessine littéralement des cercles magiques15 autour de l’auditeur, qu’il emprisonne avec une force surhumaine dans les rets de sa structure musicale jusqu’à ce que la dernière note se soit éteinte lentement. Alors, les esprits animaux s’insinuent à nouveau dans la conscience de l’auditeur qui a l’impression de sortir d’un rêve profond et confus dans lequel il a survolé des abîmes ténébreux, des déserts et des forêts inviolées, des volcans et de icebergs, passant aussi d’un vol rapide au-dessus de luxuriants jardins fleuris. »16 Les rets emprisonnent le lecteur, s’affrontent, les étendues exotiques deviennent celles du texte et celles de la musique. Décrivant l’hypnotisation de l’auditeur par le compositeur, c’est le lecteur que Wolf hypnotise. Il présente par la métaphore la faune, la flore, l’onirique, le spiritisme, des moyens que l’on retrouve dans sa critique comme dans le genre du poème symphonique qu’il défend si vivement. Dans son article « Un rêve. Extrait du journal intime d’un chinois, 8 novembre 1885 » Wolf multiplie les licences littéraires et les baigne d’humour, de sarcasmes polémiques en épuisant un champ de vocabulaire très varié, y compris dans des registres très explicites comme “hideux”, “glauque”. Wolf se conte un rêve qu’il aurait fait pour vilipender impunément – puisqu’il en a ainsi dait l’expérience : la direction d’un Opéra impérial chinois – derrière lequel on reconnaît immédiatement les institutions musicales impériales avec lesquelles il avait maille à partir. Ce directeur est victime d’une métamorphose physique le rendant repoussant, s’épanouit à “réformer” les partitions qui lui sont proposées, à renvoyer tout le personnel et les musiciens par des proches. Wolf, derrière ce directeur chimérique, distille également des conseils de réformes pour l’Opéra : il supprime la claque – fait même expulser silencieusement les fauteurs de trouble par les placeurs –, ferme le théâtre deux jours par semaine pour laisser le temps nécessaire à de bonnes répétitions, interdit au public d’entrer pendant une scène – ce que fera Mahler douze ans plus tard en prenant le direction de l’Opéra de Vienne. Toutes ces réformes aboutissent à une “révolution” qui n’est endiguée que par l’intervention d’un puissant protecteur.

Le rêve, partout et tout le temps possible, impose la critique, viable pour chaque œuvre.

Diderot joue de tous les registres pour critiquer la peinture : de la description à l’illusion volontaire de la rêverie : « Il s’imagine dans la scène,soit en prenant la place des personnages qui la peuplent, soit en y entrant comme personnage supplémentaire ; la peinture d’histoire et la peinture de genre y invitent »17 Le critique côtoie les œuvres jusqu’à en pénétrer le contenu, non par des concepts mais selon sa réaction esthétique immédiate individuelle.

RÊVE

Wolf dénonce les réalités contextuelles par le rêve. Le rêve est le lieu que nul ne peut contrôler, pas non plus son lecteur et de fait, Wolf le choisit pour présenter les conditions rêvées de déploiement de l’œuvre.

« Je ne voudrais pas être directeur d’un Opéra impérial quel qu’il soit. Jamais, au grand jamais ! C’est un travail usant, un rocher de Sisyphe, et il faut les solides épaules d’un Atlas pour porter un tel fardeau. Je peux en parler car je le sais d’expérience. Durant une nuit entière, j’ai été le personnage principal de cette histoire. J’étais directeur de l’Opéra impérial d’une grande ville de mon pays. S’il s’agissait de Pékin ou de Nankin, ou d’une quelconque ville de l’Empire céleste au nom si mélodieux en « kin », je ne le sais plus très bien. »18

Wolf jure, jamais, au grand jamais ! Le compositeur refuse à jamais une place qu’il sait de toute éternité détester sans l’avoir jamais exercée, mais mieux, car pour une œuvre, qu’il a rêvé. Il y a une certaine désinvolture à être le héros d’une aventure exotique, afin de faire passer ses visées administratives de la musique qui laisse toute place au musical. Le littéraire est l’antithèse de l’administratif.

Se rêvant directeur d’opéra, administrateur musical, Wolf devient physiquement et, spirituellement repoussant.

Le compositeur explique avec grandiloquence combien son programme de restructuration administrative lui est « familier » dans ce rêve étrange : sa réécriture des œuvres reposant sur ses principes esthétiques.

Le compositeur s’exprime comme administrateur en JE, en jeu.

Wolf fait un rêve d’une étrange familiarité, presuqe dans un esprit d’auto-analyse, il exprime les frustrations du monde musical par la narration esthétisée qui permet de les sublimer.

La production musicale est l’association punitive de raisons (comme autant de raisonnements imposés au musical) par lesquels le directeur du rêve de Wolf renvoie les solistes, la moitié du ballet et de l’administration pour des raisons financière, avant de mettre en avant des raisons artistiques pour renvoyer la claque. Wolf parvient à ses fins pour des raisons trop évidentes, c’est la franchise qui fait l’intérêt du rêve. Les vraies raison, y compris financirères sont celles qui soutiennent le musical, par exemple, en donnant du temps aux répétitions.

Comme Gustav Mahler lorsqu’il prit la direction de l’Opéra en 1897, le personnage de Wolf interdit toute perturbation de la représentation : le spectateur retardataire, ou généralement perturbateur est traité comme la claque, il est silencieusement chassé de la salle.

Dans un accès ironiquement fantastique, le directeur, sommé au suicide par l’empereur, va s’exécuter avant d’être sauvé par des intrigues. Les désirs, consignes et conséquences des pouvoirs sont ridiculisés dans leur contradiction, dévoilés dans leur naissance sur l’artistique.

De là il franchit le rubicond du désabusement, intrigue, devient paresseux et n’apprécie les œuvres que pour leurs retombées immédiates.

C’est seulement à ce moment qu’il supporte la critique.

Le rêve présente une construction cyclique qui retourne à la critique, la supporte après un constat et un désabusement initiatique. Le retour la critique s’opère après tout un cycle de métamorphose. Les métamorphoses des interprètes renforcent la critique en y aboutissant, et lui attribuant donc une parti d’action sur ces métamorphoses.

L’interprétation du rêve ne s’y substitue pas comme résumé édifiant du rêve ; elle en est une variation qui forme avec le rêve un réseau de signification, qui illustre son potentiel de signifiance.

1ABRAHAM, Gerald : “Hoffmann as Composer”, The Musical Times, Vol. 83, No. 1194, Août 1942, pp. 233-235.

2HOFFMANN, Ernst Theodor Amadeus : Écrits sur la musique, l’Âge d’Homme, Lausanne, 1985, p. 216.

3HOFFMANN, Ernst Theodor Amadeus : Écrits sur la musique, l’Âge d’Homme, Lausanne, 1985, p. 216.

4HOFFMANN, Ernst Theodor Amadeus : Écrits sur la musique, l’Âge d’Homme, Lausanne, 1985, p. 216.

5HOFFMANN, Ernst Theodor Amadeus : Écrits sur la musique, l’Âge d’Homme, Lausanne, 1985, p. 217.

6HOFFMANN, Ernst Theodor Amadeus : Écrits sur la musique, l’Âge d’Homme, Lausanne, 1985, p. 265.

7 STAROBINSKI, Georges : Introduction, pp. 7-45, in WOLF, Hugo : Chroniques musicales 1884-1887, choisies et présentées par Georges Starobinski, Traduction de Christian Guillermet, Contrechamps, Genève, 2004, pp. 11.

8cf. HOFFMANN, Ernst Theodor Amadeus : Écrits sur la musique, l’Âge d’Homme, Lausanne, 1985, pp. 259-260.

9HOFFMANN, Ernst Theodor Amadeus : Écrits sur la musique, l’Âge d’Homme, Lausanne, 1985, p. 263.

10HOFFMANN, Ernst Theodor Amadeus : Écrits sur la musique, l’Âge d’Homme, Lausanne, 1985, p. 264.

11 MACHABEY, Armand : Traité de la critique musicale, Richard Masse, Paris, 1947, p. 186.

12 MACHABEY, Armand : Traité de la critique musicale, Richard Masse, Paris, 1947, p. 186.

13 HELLOUIN, Frédéric : Essai de critique de la critique musicale, Joanin et Cie, 1906, pp. 115-118.

14cf. EHRARD, Antoinette : “Émile Zola : l’art de voir et la passion de dire”, La Critique artistique : un genre littéraire, Centre d’art, esthétique et littérature, Presses Universitaires de France, Rouen, 1983, p. 107.

15 « Magique est ce qui exerce un effet sans aucune médiation. Tous les textes de Benjamin sont écrits à ce niveau où le langage est magique, c’est-à-dire sans la médiation de raisons et d’éclaircissements. » (BERMAN, Antoine : L’Âge de la traduction “la tâche du traducteur” de Walter Benjamin – un commentaire, Presses Universitaires de Vincennes, 2008, p. 29).

16 WOLF, Hugo : Chroniques musicales 1884-1887, choisies et présentées par Georges Starobinski, Traduction de Christian Guillermet, Contrechamps, Genève, 2004, “L’Ouverture du Roi Lear de Berlioz”, 30 mars 1884 n° 11, [pp. 57-59], p. 57.

17LAVEZZI, Élisabeth :Diderot et la littérature d’art Aspects de l’intertexte des premiers Salons, Paradigme, Orléans, 2007, p. 137.

18 WOLF, Hugo : Chroniques musicales 1884-1887, choisies et présentées par Georges Starobinski, Traduction de Christian Guillermet, Contrechamps, Genève, 2004, « Un rêve. Extrait du journal intime d’un chinois, 8 novembre 1885 [n° 62] » [pp. 212-214], p. 212.

Allgemeine musikalische Zeitung« Kapellmeister Johannes Kreisler » 1809Ritter Gluck, a story about a man who meets, or believes he has met, the composer Christoph Willibald Gluck (1714–87) more than twenty years after the latter’s death. Jean Paul Doppelgänger employed at the Bamberg Theatre as stagehand, decorator, and playwright

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