humour, ironie, lyrisme

L’humour est l’évidence de l’expression musicale donnée au discours qui dispose du concept. L’évidence du rapport entre texte et musique croit avec les franchissement de types de texte (la correspondance, le mémoire qui devient feuilleton).

Le silence de Berlioz qui parle d’autre chose est un désaveu pour celui qui aurait du être critiqué. Au vu de l’actualité musicale.

 

Berlioz

 cauchemar critique

« Mon existence après cette époque ne présente aucun événement musical digne d’être cité. Je restais à Paris, occupé presque uniquement de mon métier, je ne dirai pas de critique, mais de feuilletoniste, ce qui est bien différent. Le critique (je le suppose honnête et intelligent) n’écrit que s’il a une idée, s’il veut éclairer une question, combattre un système, s’il veut louer ou blâmer. Alors, il a des motifs qu’il croit réels pour exprimer son opinion, pour distribuer le blâme ou l’éloge. Le malheureux feuilletoniste obligé d’écrire sur tout ce qui est du domaine de son feuilleton (triste domaine, marécage rempli de sauterelles et de crapauds !) ne veut rien que l’accomplissement de la tâche qui lui est imposée ; il n’a bien souvent aucune opinion au sujet des choses sur lesquelles il est forcé d’écrire ; ces choses-là n’excitent ni sa colère, ni son admiration, elles ne sont pas Et pourtant, il faut qu’il ait l’air de croire à leur existence, l’air d’avoir une raison pour leur accorder son attention, l’air de prendre parti pour ou contre. La plupart de mes confrères savent sans peine, souvent même avec une facilité charmante, se tirer de ce mauvais pas. Pour moi, quand je parviens à en sortir, c’est avec des efforts aussi longs que douloureux. Je suis demeuré une fois trois jours entiers enfermé dans ma chambre, pour écrire un feuilleton sur l’Opéra-Comique sans pouvoir le commencer. Je ne me souviens pas de l’œuvre dont j’avais à parler (une semaine après sa première représentation, j’en avais oublié le nom pour jamais), mais les tortures que j’éprouvai pendant ces trois jours avant de trouver les trois premières lignes de mon article, certes ! Je me les rappelle. Les lobes de mon cerveau semblaient être prêts à se disjoindre. J’avais comme des cendres brulantes dans les veines. Tantôt je restais accoudé sur ma table, tenant ma tête à deux mains ; tantôt je marchais à grands pas comme un soldat en sentinelle par un froid de vingt-cinq degrés. Je me mettais à la fenêtre, regardant les jardins environnants, les hauteurs de Montmartre, le soleil couchant… aussitôt la rêverie m’emportait à mille lieues de mon maudit opéra-comique.

Et quand en me retournant, mes yeux retombaient sur son maudit titre, écrit en tête de la maudite feuille de papier, blanche encore et attendant obstinément les autres mots dont je devais la couvrir, je me sentais envahir par le désespoir. J’avais une guitare appuyée contre ma table, d’un coup de pied je lui crevai le ventre… Sur ma cheminée, deux pistolets me regardaient avec leurs yeux ronds… je les considérai très longtemps… puis j’en vins à me bosseler le crâne à grands coups de poing. Enfin, comme un écolier qui ne peut pas faire son thème, je pleurai avec une indignation furieuse en m’arrachant les cheveux. Cette eau salée sortie de mes yeux sembla me soulager un peu. Je tournai contre le mur le canon de mes pistolets qui me regardaient toujours. J’eus pitié de mon innocente guitare, et la reprenant, je lui demandai quelques accords qu’elle me donna sans rancune. Mon fils, âgé de six ans, vint en ce moment frapper à ma porte. » (BERLIOZ, Hector : Mémoires, Flammarion, Paris, 1991, pp. 418-419.)

« Il y a quinze ans de cela !… et mon supplice dure encore… Extermination ! En être toujours là ! Qu’on me donne donc des partitions à écrire, des orchestres à conduire, des répétitions à diriger ; qu’on me fasse rester huit heures, dix heures même, debout, le bâton de conducteur à la main, exercer des choristes sans instrument pur les accompagner, leur chantant moi-même leurs répliques tout en marquant la mesure, jusqu’à ce que je crache le sang et que la crampe m’arrête le bras ; qu’on me fasse porter des pupitres, des contrebasses, des harpes, déplacer des estrades, clouer des planches, comme un commissionnaire ou un charpentier ; qu’on m’oblige ensuite, pour me reposer, à corriger pendant la nuit les fautes des graveurs ou des copistes ; je l’ai fait, je le fais, je le ferai ; cela tient à ma vue musicale et je le supporte sans me plaindre, sans y songer même, comme le chasseur endure le froid, le chaud, la faim, la soif, le soleil, les averses, la poussière, la boue et les mille fatigues de la chasse ! Mais sempiternellement feuilletoniser pour vivre ! écrire des riens sur des riens ! donner de tièdes éloges à d’insupportables fadeurs ! Parler ce soir d’un grand maître et demain d’un crétin avec le même sérieux, dans la même langue ! Employer son temps, son intelligence, son courage, sa patience à ce labeur, avec la certitude de ne pouvoir au moins être utile à l’art en détruisant quelques abus, en arrachant des préjugés, en éclairant l’opinion, en épurant le goût du public, en mettant hommes et choses à leur rang et à leur place ! oh ! C’est le comble de l’humiliation ! mieux vaudrait être … ministre des Finances d’une république. » (BERLIOZ, Hector : Mémoires, Flammarion, Paris, 1991, pp. 419-420.)

L’acteur artistique se trouve attaché de manière affective au milieu critique qu’il veut amender, il se trouve passivement attaché par la gêne que comble cette activité critique.

« Je crois devoir dire maintenant de quelle façon je fus attaché à la rédaction du Journal des Débats. J’avais, depuis mon retour d’Italie, publié d’assez nombreux articles dans la Revue européenne, dans l’Europe littéraire, dans le Monde dramatique (recueils dont l’existence a été de courte durée), dans la Gazette musicale, dans le Correspondant et dans quelques autres feuilles aujourd’hui oubliées. Mais ces divers travaux de peu d’étendue, de peu d’importance, me rapportaient aussi fort peu, et l’état de gêne dans lequel je vivais n’en était que bien faiblement amélioré.

Un jour, ne sachant à quel saint me vouer, j’écrivis pour gagner quelques francs une sorte de nouvelle intitulée Rubini à Calais, qui parut dans la Gazette musicale [L’article parut dans la Gazette musicale le 5 octobre 1834, et dans les Débats le 10 octobre. Berlioz tint régulièrement le feuilleton musical des Débats à partir du 25 janvier 1835.]. » (BERLIOZ, Hector : Mémoires, Flammarion, Paris, 1991, p. 279.)

 

 

 

 

 

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